C’est la semaine du bien-être et des conditions de vie au travail. Beaucoup de choses résonnent dans mon expérience professionnelle sur ce vaste sujet. Il y a déjà longtemps, un collègue m’avait dit : « le bien-être au travail, ce n’est pas une prestation jacuzzi pour son équipe ! » Suite à un cours d’éthique philosophique que j’ai donné cette année, j’ai eu l’occasion de prendre du recul et de me demander ce que signifiait, philosophiquement, ce terme de « bien-être ». La tradition philosophique a plutôt réfléchi à ce qu’étaient le bonheur, le plaisir, la joie,… Quels points communs entre tout ça ? Qu’est-ce que cela nous apprend sur le bien-être au travail ? Le point commun, c’est le fait d’éprouver une satisfaction, de se sentir bien, tout simplement. Ensuite,…ça se complique.Le plaisir, c’est une sensation, une émotion agréable, liée à la satisfaction d’un désir ou d’un besoin. Au travail, on peut éprouver du plaisir, quand on accomplit quelque chose, quand on entretient de bonnes relations avec ses collègues, quand on célèbre une réussite, etc. Mais, bon, c’est clair, ce n’est pas de cela qu’on parle avec la notion de bien-être ! Sinon, on en resterait à l’effet jacuzzi…  On ferait semblant de résoudre le mal-être par de petits pansements permettant d’afficher que « tout va bien ». Voilà une approche cosmétique des questions relatives aux conditions de travail qui est dangereuse et hypocrite. La joie ? C’est aussi une émotion, intense et ponctuelle, qui marque un accomplissement, une réalisation. Là aussi, elle ne suffit pas pour parler de bien-être au travail. Le bonheur ? Les philosophes le définissent comme un état constant de plénitude, posé comme un idéal suprême. C’est un « souverain bien » qui se suffit à lui-même. Bon, il ne faut pas exagérer… le travail ne nous apporte pas autant !

Comment alors définir philosophiquement le bien-être au travail ? S’il s’agit d’être bien, on dira que c’est du confort, lequel passe par la satisfaction globale de nos besoins: de sécurité, de reconnaissance, d’épanouissement… Or, cette satisfaction n’est pas de l’ordre du ressenti : elle s’enracine dans une éthique. A ce titre, le terme de BIEN-être au travail est bien choisi. Si l’éthique travaille sur les valeurs, elle a à définir ce qui est bien ou mal dans le champ du travail : il s’agit de veiller à ce que chaque être humain dispose d’un cadre adéquat, fondé sur des normes morales (respect, responsabilité, droits et devoirs, etc.): qu’un espace de travail soit créé -et même co-créé-, entretenu de manière souple et collaborative. On ne peut plus dire aujourd’hui que c’est un « plus ». C’est un impératif qui ne tient pas seulement aux situations individuelles, mais constitue un enjeu collectif. On ne peut pas être bien soi, si toute son équipe va mal. On ne peut pas, soi, aller mal, sans que cela impacte l’équilibre global, autant en termes d’ambiance que de performance. Le bien-être au travail n’est donc pas, en première intention, une question de plaisir ou d’émotion. C’est une question à la fois éthique et politique qui mérite d’être abordée comme telle dans une organisation.