On ne cesse de lire que la confiance est au cœur de la relation managériale. Oui, c’est vrai. Parce qu’elle parle de la relation entre un manager et ses collaborateurs, donc de délégation, de responsabilité, de coordination, de complémentarité. Elle parle aussi de la relation des membres d’une même équipe, lorsqu’il faut s’entraider, se remplacer, se coordonner. Elle parle enfin de la relation entre équipes différentes lorsque l’organisation est matricielle et donne une large part aux projets transversaux. Au gré de mes lectures autour des fonctionnements collectifs, je suis tombée sur toute une série de définitions intéressantes de la confiance. L’une m’a particulièrement interpellé, je vous la livre : la confiance est la volonté d’un individu d’augmenter sa vulnérabilité face aux actions d’un autre individu dont le comportement ne peut être contrôlé. Quoi ?!? La confiance consisterait à se mettre à nu ? Au travail ? Impensable pour un manager qui, quoi qu’il dise, reste dans une posture de contrôle et qui, de toute façon, serait dénigré s’il exposait ses fragilités. Je me suis rappelée qu’en tant que manager, il y a quelques personnes auprès de qui j’ai laissé voir mes vulnérabilités. Par contre, en tant que managée, je ne me souviens pas qu’un de mes chefs ne l’ait jamais fait avec moi.

A croiser mon expérience avec cette définition étrange, il y a trois éléments qui, selon moi, fondent la confiance. 1) L’incertitude. La confiance a à voir avec la surprise car lle laisse la relation ouverte. Elle donne sa chance à l’autre. J’ai déjà été surprise des compétences incroyables d’un collègue, jugé a priori peu compétent pour piloter un projet et qui, mis en confiance, révélait des qualités incroyables et surprenait tout le monde.  Embarqués dans un nouveau mode relationnel, porteurs de responsabilités inédites, conscients de ses propres failles avant même d’expérimenter celle des autres, nous révélons un potentiel inattendu. Ainsi, avoir confiance en l’autre, c’est assumer une part d’incertitude, celle de l’inquiétude, de la peur, du doute…de quoi construire de belles histoires collectives.

2) La réciprocité. Vous avez peut-être expérimenté cette alchimie étonnante : en vous confiant à quelqu’un -même si vous ne le connaissez presque pas-, celui-ci se confie en retour. La relation n’est alors plus un rapport de force, mais un rapport de liberté, une invitation au mouvement, une authentique transparence où accueillir ce que nous livre l’autre s’alimente de ce qu’on livre soi-même. Ici, se montrer vulnérable, c’est offrir à l’autre l’opportunité de contribuer à sa propre sécurité. N’allez pas croire que j’ai une vision naïve ou idyllique des relations au travail ! Mais je suis en tout cas convaincue qu’on peut aussi être soi-même au travail et vivre de ces moments de grâce où la relation se joue seulement entre deux êtres humains, ni plus, ni moins.

3) Le lâcher-prise. On ne parle pas ici d’un débordement de sentiments incontrôlés, d’un déversement de plaintes auprès d’un chef ou d’un collègue. Il s’agit d’une visée, consciente et construite, d’être vu… vulnérable. En tant que manager, lorsque j’ai été amenée à partager une fragilité ou un doute avec un collègue, je me suis toujours inscrite dans une intention réfléchie. Il y a d’abord l’envie de dire, puis toute une cogitation entre moi et moi pour formuler, doser, ajuster,… et enfin, c’est l’envie et l’intuition du bon moment qui décident si ça doit sortir ou pas. Au final, je n’ai jamais été déçue, frustrée et j’ai découvert de la bienveillance là où je ne l’attendais pas.

Au final, dès lors qu’on tient un rôle, on aura souvent tendance à se calquer sur les attentes et les projections de son entourage…et se centrer sur sa fonction, ses missions, la réussite que l’on se doit d’afficher, au détriment de sa sensibilité. C’est encore plus vrai quand on est manager et qu’on est plus exposé à des exigences d’image ou de performance. Pour tous, il y a un intérêt à exposer ses vulnérabilités, simplement pour ne plus avoir à dépenser d’énergie à les cacher ! Comme me l’a dit une personne de confiance qui se reconnaîtra, dévoiler ses vulnérabilités leur permet au minimum de prendre l’air et s’il y a quelques effets indirects sur la qualité relationnelle, osons.