La plupart des personnes qui travaillent ont pensé au moins une fois : « aujourd’hui je n’ai rien fait, j’ai passé mon temps en réunion », « il y a trop de réunions qui ne servent à rien ». Quelle réponse adressons-nous à cette plainte ? Des formations  sur la conduite de réunions : comment les préparer, les animer, être plus efficient. De telles formations -que je délivre aussi- seraient sensées rendre les réunions moins improductives, plus populaires et favorisant l’efficience de l’organisation.  En apprenant des techniques d’animation de réunions, on cherche à améliorer les comportements des personnes. Aider Cédric qui ne sait pas trancher, Bénédicte qui ne tient pas le timing, Jordan qui ne gère pas les prises de parole, Zora qui ne crée pas un climat propice aux échanges… Bref, nous cherchons des solutions aux dysfonctionnements des réunions dans le fonctionnement des réunions elles-mêmes !  Oublions tout ça avec un peu de philosophie. Qu’est-ce qu’une réunion ? Quel sens y a-t-il à se réunir ? Au sens premier, se réunir, ce n’est pas s’unir : ce n’est pas une première fois. On restaure une unité qui a existé par le passé et qui a été momentanément dissoute. Ainsi les réunions ont-elles une fonction de rituel dans une organisation, et c’est en ce sens qu’elles sont la quintessence d’un collectif qui fonctionne. Celui que Sartre appelle le « collectif en fusion ». Il n’est pas l’addition des individus autour de la table mais il se conçoit plutôt comme une force d’engagement, celle d’un groupe responsable, acteur libre de ses choix et dirigé vers un même objectif. Très bel idéal, souvent bien éloigné de ce que l’on observe quotidiennement : des individus, penchés sur leur ordinateur, à traiter leurs mails, à pianoter sur leur portable, qui arrivent en retard, n’ont pas lu au préalable les documents préparatoires,… A distanciel, c’est pire. Des écrans noirs. Des micros coupés. Chacun écoute d’une oreille distraite la logorrhée de son chef ou de tel responsable ou expert. Le mieux, c’est le début ou la fin où certains s’autorisent quelques échanges informels pour se donner des nouvelles, pour régler une question « en off »… Quand ça se passe ainsi, chacun ressort en se disant qu’il a perdu son temps. La réunion catalyse alors le mécontentement, la frustration et apparaît davantage comme un frein à l’avancement de l’organisation. Comment faire pour que la réunion soit véritablement un lieu de construction collective ? Il convient d’y remettre du sens. Avant même de s’occuper de la mécanique de la réunion, des jeux relationnels qu’elle induit, des comportements qu’elle donne à voir ou qu’elle devrait occasionner, j’invite chaque collectif à se poser afin d’envisager la place de la réunion -comme concept- dans son organisation. Cela passe par quelques questions toutes simples : qu’est-ce qu’une réunion selon vous ? Quel est son rôle direct et indirect ? A quelles conditions est-elle utile, nécessaire, souhaitable ? Quels en sont les acteurs ? Cela peut clarifier une typologie : réunion d’information, de communication, de créativité, d’arbitrage, de régulation ou de suivi d’un projet, etc… Cela peut aussi déplacer le rôle de l’animateur, qui est (trop) souvent le manager, et exclusivement lui. L’enjeu principal est alors d’adapter chaque type de réunion à un format spécifique : réserver la réunion verticale lorsqu’il faut transmettre de l’information descendante, réserver un format plus interactif lorsqu’il s’agit d’être créatif, ou encore mettre en place un protocole de délégation quand il y a des décisions qui engagent le collectif. Pour améliorer les réunions dans les organisations, donnons-leur du sens ! Nous en varierons les formats, nous redistribuerons les cartes quant au rôle de chacun et le collectif n’en sortira que grandi.